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La décroissance - On nous écrit

Jean-Paul Cavin / Jean-François CavinOn nous écrit
La Nation n° 2275 21 mars 2025

La Nation n° 2274 consacre deux articles à la décroissance. C’est déjà le signe que le sujet n’est plus tabou, même si le terme reste un gros mot pour beaucoup. Les deux auteurs ne cachent pas leur allergie à la notion. M. Busslinger recourt à l’ironie et à la caricature (il nous épargne toutefois le retour à la bougie, au Moyen Age ou aux cavernes) pour éviter d’argumenter sur le fond. M. Cavin exprime quant à lui ses doutes et ses interrogations.

Pendant des siècles, on a cru de bonne foi les ressources de la planète inépuisables. Depuis cinquante ans, le doute n’est plus permis. La formule rhétorique « Admettons que… » n’est plus de mise. Le caractère limité des ressources naturelles est avéré, comme la rotondité de la Terre. Dès lors, que faire ? Fermer les yeux et continuer notre surconsommation, dont l’économie s’emploie à nous persuader qu’elle fait notre bonheur (par un conditionnement autrement plus liberticide que les injonctions, certes parfois excessives, des écologistes), jusqu’à ce que la nature nous rappelle brutalement à l’ordre (ce qu’elle a d’ailleurs déjà commencé à faire) ? Compter sur la technologie pour apporter des solutions ? Elle peut y contribuer, mais n’y suffira pas. Pour ne prendre qu’un exemple, l’intelligence artificielle, que l’on veut prometteuse de lendemains qui chantent, nécessite des quantités phénoménales d’énergie en plus de restreindre notre liberté et d’atrophier nos capacités humaines… Ou bien réfléchir à une manière raisonnée et ordonnée de revenir à davantage de sobriété pour atteindre à terme (mais le temps presse) l’objectif de respecter les limites incontournables que la planète nous impose ? La décroissance n’a pas à être infinie, pas plus que la croissance.

La croissance sans fin n’est pas la vie. Aucun être vivant ne croît indéfiniment. La croissance nous a peut-être amené le bien-être et la prospérité. Elle nous conduit maintenant à l’obésité et à l’addiction au superflu. Il est temps de nous conduire en adultes.

Avec nos enfants sur le siège arrière, nous fonçons à 130 km/h (et plus, si possible) sur une autoroute, grisés par la vitesse et sans regarder autre chose que la route et le compteur. Et voici que des signaux toujours plus visibles nous indiquent que cette autoroute finit en impasse, mais que nous pouvons continuer notre chemin en prenant une petite route, certes plus sinueuse, dans un paysage toujours magnifique. Garderons-nous le pied sur le champignon, au plancher, ou saurons-nous non pas stopper et repartir en marche-arrière, mais user de la pédale du frein pour emprunter la petite route ?

Quant à M. Timothée Parrique, dont la présence à l’Université de Lausanne a déjà suscité quelques velléités de censure trumpienne, il n’a rien d’un activiste ni d’un illuminé. A défaut de lire tous ses travaux, on a pu et on peut encore l’écouter sur RTS Première (www.rts.ch/rts-premiere), La Matinale du 7 mars et Les beaux parleurs du 9 mars : difficile de contester la pertinence et la justesse de son propos.

Et si l’on veut une référence plus ancienne, plus philosophique, plus vaudoise : relire Ramuz et ses réflexions d’une étonnante actualité sur le progrès, dans Taille de l’Homme, ou dans Remarques, ou dans Questions

Ou encore se rappeler les anciens Grecs: de la mesure en toute chose. Alors que nous sommes dans une invraisemblable démesure…

Jean-Paul Cavin

 

Quelques remarques complémentaires

Nous prenons le problème par deux bouts différents. Ma thèse principale est que la croissance économique est consubstantiellement liée à la créativité humaine, qui en est la source pour une bonne part. Je ne verse pas dans le scientisme et vois bien que cette créativité peut s’exercer pour le bien ou pour le mal. Mais on ne saurait aller contre un fait de nature. En écrivant cela, je ne crois pas être un chauffeur aveugle fonçant sur son bolide sans voir l’abîme.

Notre correspondant prend le problème par un autre bout, celui de la consommation; je ne l’ai pas abordé. Je pense bien qu’il faut ménager les ressources naturelles et je ne suis pas ennemi de la sobriété (quoique, pour le chasselas…). Mais l’ingéniosité humaine permet parfois de démultiplier les ressources brutes. Verra-t-on un jour la fusion nucléaire produire de l’énergie propre en quantité quasi inépuisable?

On ne peut pas parler de la croissance et de la décroissance sans faire cette distinction. Or les thuriféraires de la décroissance à tout prix me semblent souvent omettre cet aspect des choses.

Jean-François Cavin

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